Passé les rapports complexes que Bernard-Marie Koltès entretint avec le théâtre, l'ensemble des entretiens qu'il a accordés à la presse écrite constituent une autobiographie involontaire de Koltès ; autobiographie à l'évidence lacunaire, volontairement lacunaire et intéressante comme telle. Alain Prique.
Bernard Marie Koltès Ordre des livres






- 1999
- 1986
Dans la solitude des champs de coton
- 64pages
- 3 heures de lecture
« Si un chien rencontre un chat – par hasard, ou tout simplement par probabilité, parce qu'il y a tant de chiens et de chats sur un même territoire qu'ils ne peuvent pas, à la fin, ne pas se croiser ; si deux hommes, deux espèces contraires, sans histoire commune, sans langage familier, se trouvent par fatalité face à face – non pas dans la foule ni en pleine lumière, car la foule et la lumière dissimulent les visages et les natures, mais sur un terrain neutre et désert, plat, silencieux, où l'on se voit de loin, où l'on s'entend marcher, un lieu qui interdit l'indifférence, ou le détour, ou la fuite ; lorsqu'ils s'arrêtent l'un en face de l'autre, il n'existe rien d'autre entre eux que de l'hostilité – qui n'est pas un sentiment, mais un acte, un acte d'ennemis, un acte de guerre sans motif. » – Bernard-Marie Koltès
- 1985
Un homme voudrait mourir. Il prévoit de se jeter dans le fleuve, dans un endroit désert, et, parce qu'il craint de flotter, il dit : " Je mettrai deux lourdes pierres dans les poches de ma veste ; ainsi, mon corps collera au fond comme un pneu dégonflé de camion, personne n'y verra rien. " Il se fait conduire (dans sa Jaguar, qu'il ne sait pas conduire lui-même), sur l'autre rive du fleuve, dans un quartier abandonné, près d'un hangar abandonné, dans une nuit plus noire qu'une nuit ordinaire, et il dit à celle qui l'a conduit : " Voilà, c'est ici, vous pouvez rentrer chez vous. " Il traverse le hangar, avance sur la jetée, met deux pierres dans les poches de sa veste, se jette à l'eau en disant : " Et voilà " ; et, avec de l'eau sale et des coquillages plein la bouche, il disparaît au fond du fleuve comme le pneu dégonflé d'un camion. Quelqu'un, qu'il ne connaît pas, plonge derrière lui et le repêche. Trempé, grelottant, il se fâche et dit : " Qui vous a autorisé à me repêcher ? " Puis, en regardant autour de lui, il se met à avoir peur : " Qu'est-ce que vous me voulez ? " En voulant repartir, il s'aperçoit que sa voiture est toujours là, qu'on a mis le moteur hors d'usage, qu'on a crevé les pneus. Il dit : " Qu'est-ce que vous me voulez, exactement ? "