"Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux révolutions : le passage de l'oral à l'écrit, puis de l'écrit à l'imprimé. Comme chacune des précédentes, la troisième, tout aussi décisive, s'accompagne de mutations politiques, sociales et cognitives. Ce sont des périodes de crises. De l'essor des nouvelles technologies, un nouvel humain est né : Michel Serres le baptise "Petite Poucette". Petite Poucette va devoir réinventer une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d'être et de connaître..." [Source : extrait de la 4e de couv.]
" Aller droit au but " : tel paraît être le mot d'ordre de nos sociétés modernes. A l'heure du TGV, d'Internet et du GPS, le détour est perçu comme une perte de temps, une errance inutile, voire une fuite. A bien des égards, il est pourtant essentiel à notre humaine condition. En effet, l'individu peut-il se construire et s'enrichir s'il ne sait pas s'éloigner des chemins balisés ? Le général d'armée parvient-il à tromper son adversaire s'il ne maîtrise pas la feinte ? Et l'amoureux réussit-il à séduire sans artifices ? Bien plus, peut-on apprécier la vie sans prendre le temps de goûter ses plaisirs ? Et si le détour était finalement le meilleur moyen de ne pas se perdre...
Etrange et original, déjà mélangé des gènes de son père et de sa mère, en tiers entre eux, tout enfant n'évolue que par nouveaux croisements, toute pédagogie reprend l'engendrement et la naissance d'un enfant : né gaucher, il apprend à se servir de la main droite, demeure gaucher, renaît droitier, au confluent des deux sens ; né gascon, il le reste et devient français, en fait métissé ; français, il se fait espagnol, italien, anglais, ou allemand, s'il épouse et apprend leur culture et leur langue, en gardant les siennes propres, le voici quarteron, âme et corps mêlés. Son esprit ressemble au manteau d'Arlequin. Cela vaut pour instruire autant que pour élever les corps. Le métis, ici, s'appelle Tiers-Instruit. Scientifique, plutôt, par nature, il entre dans la culture parce que la science épouse aujourd'hui les questions, par elle seule imprévisible, de la douleur et du mal. Il suffit d'apprendre deux choses : la raison exacte et les maux injustes ; la liberté d'invention, donc de pensée, s'ensuit. Cela vaut enfin pour la conduite et la sagesse, pour l'éducation. Elle consiste et demande à épouser l'altérité la plus étrangère, à renaître donc métis. Aime l'autre qui engendre en toi une troisième personne, l'esprit.
"Qui mange à table d'hôte, invité gourmand, parfois beau causeur est dit parasite. La bête petite qui vit de son hôte, qui change son état courant et le met en risque de mort, est dite, encore parasite. Le bruit qui interrompt sans cesse nos dialogues ou intercepte nos messages, voici toujours le parasite. Pourquoi nomme d'un même mot un homme, une bête et une onde? Voici un livre d'images d'abord comme réponse à la question, une galerie de portraits. Il faudra un peu deviner qui se dissimule sous les plumes et sous les poils, et sous l'accoutrement du fabuleux. Des animaux, grands et petits, mangent ensemble, leur festin est interrompu. Comment? Par qui? Pourquoi? Sortent les animaux, les repas continuent. Nous mangerons avec Jean-Jacques, avec Tartuffe, avec Socrate, avec les frères de Joseph ... Le parasite prend et ne donne rien : des mots, des bruits, du vent. L'hôte donne et ne reçoit rien. Voici la fléche simple, irréversible, sans retour, elle vole entre nous, c'est l'atome de la relation et c'est l'angle du changement. Abus avant l'usage et vol avant l'échange. On peut construire, à partir d'elle, ou repenser au moins, techniques et travaux, économie et société."--Page 4 of cover